Pourquoi se soucier des dents de votre cheval ? Après tout, dans la nature, personne ne lui râpe les dents !Disons tout d’abord qu’il reste très peu, dans le monde, de troupeaux de chevaux qui sont toujours à l’état sauvage et qu’il n’est peut-être pas si pertinent de faire cette comparaison. Le cheval est une espèce qui est domestiquée depuis des milliers d’années.
Faisons quand même la comparaison avec les ancêtres sauvages du cheval. Dans la nature, les aliments que le cheval mangeait peuvent avoir permis aux dents de s’user plus également, car ces aliments n’étaient pas pré-coupés.Les incisives du cheval étaient beaucoup plus sollicitées qu’elles ne le sont maintenant car elles servaient constamment à couper des herbages, qui étaient de surcroît probablement plus grossiers.Les chevaux modernes, contrairement à leurs ancêtres, broutent souvent sur des pâturages cultivés, avec de l’herbe bien douce et bien grasse, ou reçoivent du foin déjà coupé, du grain ou d’autres aliments concentrés. On peut donc supposer que l’usure normale peut être réduite chez le cheval moderne.De plus, on peut supposer que les chevaux qui démontraient un problème dentaire ‘’dans la nature’’ devaient conséquemment avoir une espérance de vie diminuée. Nos chevaux modernes domestiqués vivent maintenant parfois jusqu’à 25-30 ans, une espérance de vie qui est rarement retrouvée dans les quelques troupeaux sauvages observables, et avec laquelle s’associent plus de problèmes dentaires qui se développent avec le temps.
Il faut aussi considérer le fait que la reproduction des chevaux est largement contrôlée par les humains, et que la sélection des couples reproducteurs se fait rarement en fonction de belles qualités dentaires. Il est donc possible que certains défauts ou tares apparaissent dans le processus.
Aussi, du fait de l’utilisation de mors et autres équipements, nous demandons beaucoup plus de la bouche du cheval que ce pour quoi la nature l’a conçu, et ce, parfois à un très jeune âge.
Les dents du cheval sont à croissance continue et sont conçues pour s’user les unes contre les autres lorsque les dents du haut sont en contact avec celles du bas. La mâchoire supérieure étant plus large que la mâchoire inférieure, des pointes dentaires peuvent apparaître au niveau des molaires et des prémolaires. Ces pointes peuvent interférer avec le mouvement de la mâchoire, réduire l’efficacité de la mastication, causer de petites blessures aux joues ou à la langue et ainsi rendre le fait de manger douloureux. La réponse au mors peut aussi être affectée ou douloureuse.
Pour toutes ces raisons, un entretien régulier des dents du cheval est nécessaire à son bon état de santé et bien-être général. Votre cheval sera plus confortable, il utilisera sa nourriture plus efficacement et pourrait même vivre plus longtemps.
1-LA BOUCHE DU CHEVAL
Comme les humains, les chevaux possèdent des dents de lait temporaires et des dents permanentes. La dentition du poulain consiste en 12 incisives et 12 prémolaires de lait. Les premières incisives de lait peuvent être présentes à la naissance. La dernière dent de lait pousse vers l’âge de 8 mois.
La dentition complète du cheval adulte consiste en 12 incisives, 4 canines (chez les mâles, plus rarement chez les femelles), 2 dents de loup supérieures (qui sont les vestiges des premières prémolaires et ne sont pas toujours présentes), 12 prémolaires et 12 molaires. Très rarement, des dents de loup inférieures peuvent être présentes.
La majorité des dents permanentes vont faire éruption entre l’âge de 2 ½ et 5 ans. Les canines apparaissent vers l’âge de 5 ans.
La détermination de l’âge par les dents peut être influencée par le type d’alimentation, certaines anomalies dentaires et certains vices (comme le rot, qui peut causer une usure anormale des incisives suite à l’appui répété des incisives sur une surface dure). La marge d’erreur sur une évaluation de l’âge par la dentition peut être assez grande.
2-RECONNAÎTRE LES PROBLÈMES DENTAIRES
Les symptômes associés à un problème dentaire peuvent être très variés. Les symptômes suivants peuvent être le signe d’un problème dentaire :
Perte de poids malgré appétit normal
Difficulté à prendre du poids
Échappe du grain en mangeant
Anomalies de mastication évidentes à l’observation
Douleurs à certains endroits de la face/tête
Accumulation de ‘’chiques’’ de foin ou herbe entre les dents et les joues
Mouille son foin avant de le manger
Salive beaucoup
Mauvaise haleine
Excès de particules de grains dans les crottins
Longs brins de foin dans les crottins
Écoulement nasal
Fistule avec écoulement présente sur la mâchoire ou la face
Enflure sur la mâchoire ou la face
Résistance au mors ou à un mouvement en particulier (ex. encensement, reculer, tourner)
Notons que certains de ces signes peuvent aussi être reliés à un problème non dentaire.
3-PROBLÈMES DENTAIRES LES PLUS COMMUNS
Pointes dentaires en contact avec les joues ou la langue et pouvant causer des érosions ou des lacérations
Présence de ‘’cap’’, i.e. dent de lait retenue
Inconfort causé par le mors faisant contact avec les dents de loup
Longs crochets dentaires sur certaines prémolaires ou molaires
Canines trop longues ou piquantes
Dent manquante ou brisée
Surface masticatoire inégale
Dents excessivement usées ou au contraire anormalement longues
Infection dentaire ou de la gencive
Mauvais alignement dentaire (ex. bec de perroquet ou suite à blessure)
4-ENTRETIEN PRÉVENTIF
Un examen buccal devrait faire partie de l’examen annuel de routine du cheval. À cette occasion, l’entretien préventif des dents – communément appelé ‘’râpage’’ – peut être effectué au besoin. Cet entretien préventif permet d’enlever les pointes dentaires qui se retrouvent le plus souvent du côté des joues pour les prémolaires et molaires supérieures et du côté de la langue pour les prémolaires et molaires inférieures. D’autres corrections nécessaires sont aussi effectuées à ce moment selon les besoins de chaque cheval.
L’entretien de routine est particulièrement important pour les chevaux qui présentent des problèmes particuliers, tel que dents manquantes, usure inégale, crochets. Les petits crochets ou problèmes d’occlusion mineurs peuvent être corrigés avec des instruments manuels. Les problèmes plus sérieux de crochets ou autres malocclusions peuvent nécessiter une correction par des instruments électriques. Il est parfois nécessaire avec les cas sévères de procéder à la correction par étape sur une longue période de temps (ex. 12 à 18 mois).
La fréquence d’entretien dentaire recommandée peut donc varier selon la dentition et les problèmes spécifiques de chaque cheval.
5-DENTS DE LOUP
Les dents de loup sont de petites dents localisées devant les premières prémolaires supérieures. La taille des dents de loup peut varier d’un cheval à l’autre. Un cheval peut en avoir une, deux, ou jusqu’à quatre, mais les dents de loup sur la mâchoire inférieure sont rares.Bien que toutes les dents de loup ne semblent pas poser problème, elles sont souvent enlevées de routine de manière à éviter l’interférence avec le mors.
6-SOINS EN FONCTION DE L’ÂGE
Poulains 0-1 an
La bouche des poulains devrait être examinée suite à la naissance pour détecter toute anomalie congénitale (présente à la naissance). Des examens périodiques de la bouche peuvent être faits à quelques reprises durant la première année de vie.
Poulains 1 an
Les poulains de 1 an et plus peuvent avoir des pointes dentaires assez importantes pour endommager les joues et la langue. Un léger râpage peut les rendre plus confortables.
Poulains 2-3 ans
Les chevaux dont on commence l’entraînement à cet âge devraient bénéficier d’un examen buccal complet. Les dents devraient être râpées pour éliminer les pointes dentaires et les ‘’caps’’ retenus devraient être enlevés.Ceci est préférablement fait avant de commencer l’entraînement pour prévenir les problèmes d’entraînement reliés aux pointes dentaires.
Chevaux 2-5 ans (‘’adolescence’’)
Les chevaux de cet âge peuvent demander des examens plus fréquents étant donné le grand nombre de changements se produisant dans cette période suite à l’éruption des dents permanentes. En effet c’est durant cette période que les 24 dents de lait seront perdues et remplacées par 36 à 40 dents permanentes. De plus, les dents de lait sont plus molles et peuvent développer des pointes dentaires plus rapidement que les dents permanentes.
Chevaux 5-19 ans
Un examen annuel est recommandé, cette fréquence pouvant être ajustée selon chaque cas.
Il est important de garder la surface de contact dentaire bien droite pour éviter les problèmes lorsque le cheval sera plus vieux, car un problème négligé durant cette période peut prendre des proportions importantes plus tard (par exemple après âge de 20 ans) et devenir très difficile, voire impossible, à contrôler ou à ramener à la normale.
Chevaux de 20 ans et plus
Chez ces patients ‘’gériatriques’’, une évaluation dentaire annuelle est recommandée, ou plus souvent si des problèmes spécifiques sont présents.
7-CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Sédation/Tranquilisation
La sédation du cheval lors du râpage des dents apporte plusieurs avantages. Pour le cheval, cela permet de diminuer le stress relié à la procédure et de limiter les risques de blessures ou coupures par les instruments suite à un mouvement brusque ou des mouvements répétés du cheval. La sédation permet aussi dans la majorité des cas de réduire significativement la durée de la procédure. Pour les personnes impliquées dans la procédure (vétérinaire et la personne qui tient le cheval) cela permet de réduire les risques reliés aux blessures, par exemple, cheval qui donne un coup de tête lorsque le spéculum dentaire (le plus souvent contenant des parties métalliques) est en place.
Pratique illégale de la dentisterie équine
Au Québec, seuls les vétérinaires sont habilités à pratiquer des soins de santé aux animaux. Le fait de s’adresser à un vétérinaire apporte des garanties, car les actes vétérinaires sont soumis à un contrôle par l’ordre des médecins vétérinaires du Québec, responsable de la protection du public. De plus, en cas d’incident pour le cheval ou les personnes impliquées dans la procédure, se pose le problème de la responsabilité professionnelle (assurance) d’un non vétérinaire exerçant illégalement.La réglementation tant qu’à la pratique de la dentisterie équine varie d’un pays à l’autre selon les différentes législations. Au Québec, la pratique de la dentisterie équine par un non vétérinaire est illégale.Les contrevenants s’exposent à des peines prévues à l’article 188 du Code des professions.
De manière générale, la formation et la compétence des « dentistes équins » sont extrêmement aléatoires et ils peuvent n’avoir aucune ou très peu de formation scientifique et médicale. Le vétérinaire apporte un plus par ses compétences médicales et chirurgicales non seulement en cas de problème mais aussi pour une évaluation complète du cheval. De plus, seul le vétérinaire a le droit de prescrire et d’utiliser les médicaments permettant la sédation sécuritaire du cheval.
Problèmes dentaires plus sérieux
Des conditions plus sérieuses peuvent se produire, telles qu’infections d’une dent ou de la gencive, très longs crochets dentaires, perte ou fracture d’une dent. Ces conditions peuvent demander une expertise supplémentaire et votre vétérinaire pourra alors suggérer un traitement approprié ou référer le cas à un spécialiste.